Sois fort et tais-toi ou la souffrance des résilients

Sois fort (e) et tais-toi, ou la souffrance des résilients
Femmes ou hommes dits « forts » ou perçus comme tels, votre force est à la fois cadeau et fardeau. Cadeau car vous êtes, pour X raisons personnelles mieux armés que d’autres pour affronter les aléas de la vie. Fardeau car vos faiblesses, coups de mou, angoisses, déprimes, passent inaperçus, voire dérangent, puisqu’ils ne correspondent pas ou plus à cette image attendue de vous, familière, et égoïstement sécurisante pour votre entourage.


Pourquoi les forts sont-ils forts ou les origines de la résilience

Je ne sais pas si on naît résilient. Certains hasards de la génétique peuvent expliquer un tempérament : on « ressemble à » : son grand-père, si aventureux et téméraire ; son arrière grand-mère, l’âme de la famille, qui écoutait et consolait tout le monde ; l’oncle qui a fait faillite plusieurs fois et a toujours recommencé à monter une affaire en repartant de zéro… etc… une chose semble sûre : beaucoup de cette aptitude à la résilience se joue dans la petite enfance, avec peut-être à la base, un capital génétique faisant la part belle à certains neuro-transmetteurs, sérotonine et dopamine notamment. La sérotonine étant notre anti-dépresseur naturel, celui qui nous aide à trouver le sommeil, à penser positivement et à stabiliser nos humeurs, et la dopamine étant un stimulant naturel qui donne de l’énergie et permet de se concentrer.

Il se peut que durant l’enfance, certaines choses ne se soient pas bien passées, et nous aient obligés à serrer les dents, soit parce que nous n’avions personne pour nous tenir la main à ce moment-là, soit parce que personne ne pouvait faire à notre place.
Il se peut que l’expérience se soit renouvelée, plusieurs fois, souvent, très souvent. Et que soit venu, très naturellement à force, un véritable réflexe à encaisser et à gérer seul, les petits et grands soucis.

Cette facilité à transcender les épreuves de la vie, à courber le dos dans un premier temps puis à se redresser et réussir à faire de l’épreuve un tremplin, a beaucoup été étudiée par les psychiatres américains dans les années 90, puis en France par la suite, notamment par Boris Cyrulnik. Que dit-il exactement ? Que l’enfant, futur adulte « fort » ou résilient, a déjà un tempérament, un caractère, et à priori un milieu familial sécurisant dans lequel il évolue ; que son environnement est aussi soutenant, qu’il soit familial ou plus large, avec d’autres adultes référents.
Ce cocktail doit amener l’enfant à suffisamment d’ouverture et de confiance dans le monde pour aller chercher de l’aide dans le monde extérieur et donc encourager le développement d’un comportement résilient, capable de réagir en cas de coup dur en se tournant vers des sources d’appui et de sécurité.

Repérer ce qui se cache derrière la force d’autrui

A l’âge adulte, des attitudes de protection se mettent spontanément en place : révolte devant l’adversité, envie de se battre, justifiées par l’impossibilité de se vivre en tant que victime ; déni, qui minimise ce qui est arrivé et amène le « ce n’est pas si grave, je vais m’en sortir » ; l’humour, qui permet de dédramatiser par une pirouette, qui peut aller jusqu’à l’humour noir et au cynisme, stratagèmes qui ne leurrent pas les sensibles et les empathes.

Quelle force, quelle capacité à réagir ! Pourtant derrière cette aptitude hors-normes, le chagrin est là, bien réel. Pour peu que la personne « forte » se cache pour pleurer, ravale sa peine en public et se dissimule derrière un masque d’indifférence ou simplement de calme apparent, le raccourci est vite fait : il/elle ne souffre pas tant que ça, ou il/elle va vite passer à autre chose, le plus dur est passé ! Que nenni… on ne sait rien de ce que vivent les autres, comme le dit un célèbre adage qui tourne beaucoup en ce moment sur les réseaux sociaux : « Sois gentil avec les autres, car tu ne sais rien de l’enfer qu’ils traversent peut-être ».

On vous dit « fort » ? Je vous dis « prenez soin de vous »…

Aujourd’hui, j’ai envie d’envoyer un salut fraternel à ces personnes dites « fortes », qui prennent sur elle, montrent si peu, se lèvent tous les jours comme si de rien n’était pour assurer leurs obligations. Leur rendre hommage pour leur courage que bien peu de gens sont capables d’apprécier à sa juste valeur. Leur dire de regarder autour d’elles, elles reconnaîtront vite les « leurs », ceux qui serrent les dents de la même manière, en jouant la comédie tu « tout va bien », ou « ce n’est pas grave, il y a pire ! », ceux qui ont la rage au ventre toute la journée et qu’on assimile à une insociabilité ou de la mauvaise humeur permanente, ceux qui plaisantent et rient, un peu trop, un peu trop fort, un peu trop souvent. Vous êtes repérés, amis résilients !:-) Je loue votre force et votre volonté, sans oublier de compatir aux soucis et chagrins qui sont les vôtres, et que vous avez aussi parfois la pudeur d’épargner aux autres.

Mais je me permets aussi un petit conseil, et à l’heure des résolutions de début d’année, il peut être bon à prendre : cette année, faites de vous-même votre priorité, soyez encore plus attentifs à votre bien-être, vos besoins, vos désirs… car hélas, les personnes dites fortes sont rarement soutenues par les autres, sauf exceptions, et attirent tous ceux qui ont une poubelle émotionnelle à déverser et sont convaincus que frapper à cette porte-là est normal puisque bien sûr derrière, il y a quelqu’un qui est « fort » et qui a souvent réponses et solutions à tout. Pensez à vous, éloignez-vous des toxiques et de ceux qui font de la plainte un mode d’expression permanent, car vous n’êtes pas de bois, bien au contraire. Chez les forts et les empathes, lorsque vient l’explosion, c’est souvent d’une implosion dont il s’agit, et ses conséquences peuvent être ravageuses, à commencer par le plan santé…

Oui, vous êtes sans doute mieux armés que d’autres pour affronter la vie. Mais cette force vous a fait ravaler, depuis longtemps, beaucoup d’émotions et de sentiments qui ont besoin d’être exprimés avant qu’ils ne vous dévorent tout cru ! Si parler de vous n’est pas votre style, et encore moins exprimer vos faiblesses, réservez-vous des plages sécurisantes, dans lesquelles vous ne ferez que des choses qui vous font plaisir : marcher dans la nature, lire, dessiner, cuisiner, voir des amis, être seul, méditer, écouter de la musique… ce rendez-vous – régulier – avec vous, sera le garant de votre équilibre personnel, et vous aidera grandement à préserver cette faculté qui vous rend si précieux aux yeux des autres : ils vous admirent, vous savez ?

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